Les freins et pièges au management à distance
Pour les managers et leurs équipes
Le management à distance est devenu le quotidien de nombreux managers depuis le 17 mars. Du jour au lendemain, des équipes se sont vues confinées, dans l’obligation de travailler à domicile et de maintenir le lien grâce aux outils de visioconférence et aux smartphones.
Cette situation sans précédent recèle des pièges notamment lors de l’animation des équipes et de la supervision du travail de ses collaborateurs.
Le premier piège est de penser que nous sommes dans une configuration standard de télétravail. Le télétravail est généralement un moment privilégié, de calme et de concentration, seul chez soi quand les enfants sont à l’école. Or ce que les salariés vivent chez eux et derrière leurs écrans aujourd’hui est loin de cet idéal. La situation est imposée, subie et les conditions personnelles de chacun sont très différentes. Pour certains, ce sont les conditions matérielles qui ne sont pas réunies : absence de bureau, ordinateur en partage au sein du foyer, et/ou connexion internet de mauvaise qualité. Pour d’autres, parfois les mêmes, leur rôle ne s’arrête pas à celui de l’entreprise ; le collaborateur devient instituteur, professeur de maths, surveillant de récrée, personnel de cantine, prof de sport, parfois coiffeur…
Il est également essentiel d’accepter que le confinement érode la productivité de vos collaborateurs et de vous-même, au moins dans un premier temps. Nous ne pouvons faire la même chose en 8 heures de travail derrière notre bureau et sur la table du salon avec le petit dernier qui demande comment faire sa division.
Il est donc essentiel que le manager ait en tête les situations personnelles de chaque membre de son équipe et qu’il puisse hiérarchiser les tâches de chacun de ses collaborateurs. L’idée n’est pas d’excuser ou de culpabiliser le collaborateur mais d’avoir connaissance de chaque situation pour pouvoir adapter les objectifs et les missions de chacun.
Le second piège est de considérer que le management à distance ne demande pas d’attentions particulières et qu’il se réduit à communiquer avec vos équipes par téléphone ou en visio-conférence.
Or, la visioconférence nous donne accès à une version en deux dimensions de l’autre alors que nous sommes habitués à le percevoir en trois dimensions. La communication en est amoindrie. 55 % de notre message passe par la communication non-verbale, nos gestes, notre posture et nos mimiques et 38 % par notre façon de nous exprimer, nos intonations, le rythme et le volume de ce que nous disons. C’est ce que l’on appelle la communication para-verbale. La visioconférence, même dans d’excellentes conditions, ne nous donne que partiellement accès à la communication non-verbale et para-verbale de l’autre. Alors n’imaginez pas faire la même chose en visioconférence qu’en présentiel, c’est tout bonnement impossible.
Et puis, il ne suffit pas que chacun ait des missions et des objectifs clairs et des points d’avancement. La dimension relationnelle, même à distance, est essentielle à entretenir (1) et chaque collaborateur vit cette période de manière personnelle (qu’il ait du mal avec la distance ou qu’il apprécie une plus grande autonomie, etc.)
Il est important que le manager puisse intégrer ces informations pour trouver quelles vont être les sources de motivation de chacun. L’écoute est donc un outil essentiel à utiliser sans modération. Il n’est pas interdit de se laisser surprendre par des collaborateurs. La créativité a toute sa place durant cette période où chacun de nous doit faire face à la nouveauté.
Le troisième piège serait d’oublier la dimension d’équipe et l’importance des interactions avec les collègues dont chacun bénéficiait auparavant. En effet, le télétravail en confinement pourrait nous amener à considérer que chacun travaille « dans son coin » et peut s’acquitter tout seul parfaitement de ses tâches. Mais ce serait sous-estimer l’importance des discussions avec les collègues et le travail d’équipe, les échanges à la volée que l’on pouvait avoir en se croisant dans le couloir ou à la machine à café et qui pouvaient parfois aider à avancer plus vite sur un projet, résoudre une difficulté, etc.
Il peut être utile que le manager souligne lors des réunions d’équipe que chacun peut solliciter ses collègues et il est important qu’il veille à maintenir la transversalité qu’il pouvait y avoir précédemment, notamment via les outils « collaboratifs » adéquats.
Le quatrième piège est de vouloir se rendre disponible 24h/24h pour son équipe et/ou attendre la même chose de ses collaborateurs. Les conditions de confinement ont un impact non négligeable sur le temps de travail de chacun et le burn-out est plus que jamais un risque en période de confinement.
Pour préserver son énergie et sa motivation, il est nécessaire de garder des frontières entre l’activité professionnelle et la vie familiale et personnelle. Il s’agit de veiller à garder des temps de qualité avec ses proches et aussi des temps juste pour soi (pour du sport, de la méditation, de la lecture, etc.).
Le cinquième piège concerne le manager et sa façon de vivre la distance et l’incertitude : est-ce que je suis un manager plutôt dans le contrôle, qui a du mal à faire confiance, à déléguer ? Le risque est alors de vouloir contrôler tout ce que font vos collaborateurs. La période n’est pas propice à cette attitude. Elle peut conduire à une lente et durable démotivation de vos collaborateurs. Ou suis-je un manager qui a besoin de beaucoup de liens, d’être avec son équipe et qui vit difficilement lui-même cette distance ? Le risque est peut-être alors de vouloir se rendre hyper-disponible pour son équipe et de s’épuiser dans l’entretien de la motivation des uns et des autres (cf. piège précédent).
Profitez de ce temps pour travailler sur vous et mieux prendre conscience de ce qui vous gouverne lors de telle ou telle intervention auprès d’un collaborateur ou de l’équipe. Et expérimentez ! Faites confiance, acceptez les imprévus et donnez le droit à l’erreur.
Enfin, et c’est le sixième piège, il est risqué de penser qu’un collaborateur va bien parce qu’il n’a pas appelé au secours depuis 2 jours. Cette période demande aux managers d’être attentifs aux signaux faibles de leurs équipes et de maintenir un lien, même par messagerie avec chacun.
Soyez attentifs aux signes d’anxiété (regard fuyant, voix instable, attitude très conciliante…), d’énervement, de fatigue et de démotivation. Indiquez à vos collaborateurs que vous êtes disponible pour des entretiens individuels. N’hésitez pas à appeler ceux qui vous semblent les plus fragiles et parlez leur de votre ressenti à leur égard, montrez votre soutien et trouvez vous-même du soutien dans l’entreprise si votre collaborateur a besoin d’aide. Plus que jamais cette période doit nous permettre de renforcer les liens qui nous unissent. Elle doit être l’occasion de faire preuve de solidarité et d’humanité.
En conclusion, il est important de garder à l’esprit que nous n’avons aucune référence pour penser cette situation. Nous n’avons jamais vécu une situation comme celle-là alors nous devons sans cesse inventer, nous adapter et comprendre au fil de l’eau ce que cette situation nous fait vivre. Cette période peut ainsi être le moment de réinterroger notre façon de faire, notre façon de collaborer, d’échanger, de nous réunir et de produire. Des habitudes nous paraissent d’ores et déjà probablement obsolètes et de nouvelles idées ont certainement germé dans l’esprit des managers et collaborateurs… A suivre !
Sébastien Divanac’h, SD Conseils – formateur chez Pierre Nicot Conseil & Formation
1) Cf. Article précédent de Nathalie Aubeleau « Le télétravail ou comment continuer de faire équipe quand on est loin de la machine à café ».
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